Le dernier show de Tapie
J’ai regardé quelques images de l’enterrement de Tapie comme on regarde un documentaire sur la vie de certaines espèces animales.
Parce que rien n’était jamais assez grand pour lui on découvre une cathédrale, La Major, plusieurs prêtres, complices, en tenue des grands jours, une foule amassée, compacte et en mouvement comme une créature imprévisible, des bras tendus et des mains ouvertes qui tentent désespérément de toucher le corbillard, d’effleurer le cercueil, les cris et les chants à l’unisson d’un peuple déboussolé qui pleure son boss, son mage, son faiseur de rêves, créateur de victoires qui le temps d’un soir illuminaient leur vie aride.
Un politique hasbeen ravagé par les larmes lance au public orphelin une plaidoirie hallucinée, farcie au pathos : « Le gladiateur se repose enfin… vous aviez compris, vous, que son combat n’était ni l’argent, ni la gloire, ni l’égo mais l’amour ». La sainteté n’est pas très loin.
Puis il y a la famille, le clan, acteurs de cette tragédie kitsch dans cette parfaite mise en scène qui prolonge une dernière fois le mythe du gagnant éternel.
Eux, de leur place, de leur position, tellement loin de celles et ceux qui sous le soleil éternel de la vieille cité fatiguée scandent avec ferveur le nom de leur héros, agitent banderoles et drapeaux aux couleurs de leur religion, comme s’ils étaient dans leur stade parce que, pour eux, il n’y a pas de véritable vie en dehors du stade, et eux de leur place, de leur position, avant de quitter la scène, le clan dans son habit de deuil offre au peuple quelques signes de la main, quelques baisers volants, comme s’ils étaient des leur.
Puis il y a cette Presse qui suit aveuglément ce cortège, ce spectacle, sans discernement, sans filtre, sans analyse, sans remise en question, comme si tout cela était normal.
Comme si tout cela était normal.
Yves Alié – 11.10.2021
Photo Unsplash – Ray Tiller