COVID 19, vu du ciel
« Comme les caravanes sont très mal isolées, il est possible de distinguer la source de chaleur depuis l’extérieur et de dire si une caravane est occupée ou non. »
Ces paroles sont prononcées par un pilote de drone de la zone de police de Bredene / Le Coq dans un reportage de la RTBF du 29.03.20
Une traque zélée pour dénicher les personnes réfractaires au confinement ou tentées de se faire un petit we bien cool à la Mer du Nord.
Sur le fond on ne peut qu’être d’accord, il faut respecter les instructions, les directives, les injonctions « restez chez vous ! »
Mais sur la forme…
Cette crise sanitaire ne renforce-t-elle pas la tentation d’étendre insidieusement le contrôle total de nos vies, de nos déplacements ?
Nous avons déjà le choix d’une large panoplie d’outils de contrôle de nos destinées : géolocalisation, reconnaissance biométrique, reconnaissance vocale, reconnaissance faciale, scannages divers, algorithmes, caméras de surveillance, radars, applis, smartphones, tablettes, cookies, … sans oublier les drones présents partout, parfois si haut dans l’azur que nous ignorons tout de leur présence, des moments de nos vies privées qu’ils capturent, qu’ils nous volent.
Qui s’en émeut ?
Qui est-ce que cela empêche de dormir ?
Nous voulons la sécurité, nous voulons tout contrôler, tout savoir, tout voir, tout entendre, tout répertorier, tout classer.
Cela a un prix.
Celui de la liberté, de nos libertés.
Lorsque l’on visionne ce reportage, on distingue à 1’52, des images capturées par le drone qui dévoilent à l’intérieur des caravanes survolées – à l’insu des occupants – des zones de couleurs.
Ces zones de couleurs ce sont les émissions thermiques émises par des systèmes de chauffage mais aussi par la chaleur des corps présents dans ces espaces.
Comme les camions que l’on contrôle aux frontières pour détecter les clandestins.
Ce que ces images capturent, ce sont des moments de vie, des moments d’intimité.
Ces zones de couleur c’est de la chaleur, de la chaleur humaine, de la vie.
Ce qu’elles capturent, ce qu’elles volent, ce sont nos vies, nos souffles, notre liberté.
Désormais,
Nous n’avons plus d’endroit où nous planquer.
Plus de lieu où nous réfugier.
Plus une seule cabane pour nous retrouver.
Plus d’arbre pour nous cacher.
Plus de chambre pour nous isoler.
Plus d’espace pour souffler.
Plus de bosquet pour nous camoufler.
Nous sommes définitivement à découvert, nus, sans défense.
Seuls nos cadavres froids pourront rester invisibles.
Il ne nous reste plus alors en dernier ressort qu’un poing levé, crispé de rage et de colère, vers le ciel qui nous trahit.
La lutte est inégale.
Yves Alié – 30.03.2020
Photo Peter Nguyen – Unsplash